Non à une simplification de la justice qui pénalise femmes et enfants

Dans le cadre du projet de loi Justice du XXIème siècle, les député.e.s ont voté, sous couvert de combattre la longueur des procédures, un amendement sur le divorce par consentement mutuel sans juge, une fausse bonne idée qui menace gravement les droits des femmes et des enfants. Selon les chiffres du Ministère de la Justice, la durée moyenne d’un divorce par consentement mutuel est de 2,5 mois…. La véritable raison est d’ordre financier.

Malgré l’intervention dans les débats publics des associations féministes et leur mise en garde concernant cette « déjudiciarisation », les quelques député.e.s présent.e.s ont reçu un avis défavorable pour leurs amendements, y compris ceux qui évoquaient le risque de déséquilibre pour les victimes de violences et proposés notamment dans ce sens par la Présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, Catherine Coutelle.

Cette « séparation notariale » avec deux avocat.e.s omet une donnée essentielle : l’inégalité entre les femmes et les hommes dans le couple et les systèmes de domination qui s’y exercent. Nous saluons l’amendement de la délégation permettant d’exclure le recours à la médiation familiale lorsque des violences ont été commises par l’un des parents sur la personne de l’autre ou sur la personne de l’enfant ainsi que son intervention pour inclure des amendements de coordination permettant d’engager des poursuites en cas de pensions alimentaires impayées. Les associations signataires rappellent leur opposition à toute forme de médiation dans les situations de violences, y compris la médiation préalable obligatoire à la saisine du juge aux affaires familiales.

La déjudiciarisation du droit civil permettra  toutes les  pressions et violences  à l’encontre des femmes, notamment quand elles sont sous phénomène d’emprise car victimes de violences conjugales. Elle donnera lieu à une minimisation voire une négation des violences physiques, sexuelles, psychologiques et économiques faites aux femmes et aux enfants. Rappelons qu’aujourd’hui, les Juges aux affaires familiales ont peu de temps, et manquent de formation et de spécialisation pour distinguer (au-delà des similarités apparentes) la notion de « violence » conjugale de celle de « conflit » conjugal. Cela sera encore pire avec un notaire pas du tout au fait ces violences ! La déjudiciarisation des séparations, qui pourrait  fonctionner dans une société égalitaire entre les femmes et les hommes, se rendra ici complice des agresseurs.

Le Ministère de la Justice n’a pas souhaité consulter les associations compétentes dont l’expertise de terrain est indéniable. S’il l’avait fait, il saurait qu’en cas de violences, les femmes qui parviennent à quitter leur conjoint souhaitent que la séparation se fasse le plus vite possible. Pour que la procédure aboutisse rapidement, elles sont souvent prêtes à brader leurs droits (leur sécurité, la prestation compensatoire, leur pension alimentaire, les modalités de résidence de l’enfant et des droits de visites et hébergement, le partage des biens).

Avec le divorce devant le notaire, qu’est-ce qui garantira un consentement libre et éclairé des parties et l’équité des conditions économiques de la séparation ? Les deux époux auront recours chacun à un avocat, mais qui peut prétendre que les femmes, qui gagnent 42% de moins que leur conjoint quand elles sont en couple,  pourront se payer des budgets « défense » à la hauteur de ceux des hommes ? Il serait par ailleurs important que les violences économiques commises dans le cadre familial soient inscrites en tant que violences à part entière dans nos textes de loi.

Les violences faites aux femmes et aux enfants  doivent être traitées par des juridictions compétentes, dédiées. Ainsi le Haut conseil de la Famille préconise la mise en place d’un groupe de travail pour étudier la possibilité de mettre en place une juridiction spécialisée. Ces juridictions spécialisées qui pourraient être régionales, auraient à la fois des compétences pénales et civiles. Nous appelons donc de nos vœux une réforme des juridictions, en concertation avec les associations féministes, qui permettrait de fixer des priorités d’action pour  améliorer en justice  la protection des femmes et des enfants, réprimer les violences perpétrées à leur encontre et toutes les conséquences au niveau civil qu’elles entraînent.

Nos associations dénoncent avec force cette loi dangereuse pour les femmes et les enfants. Nous demandons le retrait de l’amendement portant sur le divorce devant notaire, en particulier dans les situations de violences et appelons à ce que les députés s’y opposent lors du vote solennel du 24 mai.

Osez le Féminisme !, Solidarité Femmes (FNSF), SOS Les Mamans, Abandon de Famille – Tolérance zéro , Collectif National aux Droits de Femmes (CNDF)