La justice complice du sexisme d’Etat !
Lundi 18 janvier 2021, la justice a rejeté notre appel estimant que la mairie de Béziers n’avait eu, avec ses affiches banalisant les violences contre les femmes, “aucun message à connotation sexiste”… comme dans l’affaire de Dannemarie. Le fait que ces images, qui renforcent les stéréotypes sexistes et les violences contre les femmes, soient promues par des institutions publiques est encore plus révoltant, et contraire au principe constitutionnel d’égalité femmes-hommes qu’elles sont censées défendre. Nous irons au pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat pour demander justice !
Les représentations sexistes dans l’espace public portent atteinte à notre dignité, elles créent un environnement hostile, elles ancrent et naturalisent les stéréotypes et participent au continuum des violences ! L’image des femmes revêt un enjeu politique fondamental et conditionne l’égalité réelle.
L’image sexiste des femmes est souvent exploitée à des fins mercantiles. Encore plus inacceptable, les stéréotypes sexistes sont parfois exploités par des maires, agent.es de l’Etat, à des fins de communication publique. On peut parler de sexisme d’Etat. De nombreux exemples peuvent être cités, mais les associations féministes ont décidé de réagir plus particulièrement contre deux campagnes de communication de 2017 :
La Commune de Dannemarie, une institution publique donc, avait planté en 2017 dans toute la ville des silhouettes de femmes, hypersexualisées, dans des postures empruntées à la pornographie. Elles étaient couchées dans des positions lascives, cuisses écartées, toutes extrêmement minces. Elles s’adonnaient à des activités telles que le shopping, le striptease, le retrait de maillot ou le léchage de babines. Ces silhouettes présentaient aussi des femmes par les parties sexualisées de leurs corps ou en les symbolisant par des objets stéréotypés, comme la chaussure à talon.
A Béziers, le maire avait banalisé et instrumentalisé deux féminicides dans les campagnes incriminées. Dans un cas, une femme était étranglée par un homme, dans l’autre elle était maintenue sur les rails d’un train à l’approche.
Nos associations ont donc saisi le juge administratif et invoqué notamment la violation du principe de dignité humaine et le principe à valeur constitutionnelle d’égalité entre les femmes et les hommes. Elles ont argumenté que les maires et l’Etat ne jouissent pas de la liberté d’expression (et a fortiori à la provocation) au même titre que les citoyen.nes ou la presse. Au contraire, les institutions publiques doivent activement œuvrer à l’égalité femmes-hommes et donner l’exemple. Nous refusons qu’une institution publique montre aux femmes et aux petites filles une projection caricaturale de ce qu’une société patriarcale attend d’elles, ou banalise les violences contre elles. À quoi servent toutes les actions menées par les politiques publiques contre le sexisme et les stéréotypes, si une ville peut décider d’aller à contre sens dans ses communications officielles ?
Malheureusement, pour Dannemarie en octobre 2020, et pour Béziers le 18 janvier 2021, les requêtes des associations ont été rejetées, même en appel, par l’unique motif péremptoire que les campagnes ne seraient pas sexistes selon les magistrats !
Alors que la société se réveille suite à la vague Meetoo et initie une révolution des consciences, alors que les nouvelles générations reprennent les luttes féministes anciennes et affirment l’importance de dire, de nommer, de dénoncer les violences contre les femmes et les enfants disséminées partout dans la société, la justice quant à elle reste sourde… elle se braque et, ce faisant, rompt avec la société !
Pire, alors que les institutions internationales, l’ONU, le Conseil de l’Europe s’efforcent de faire de la lutte contre le sexsime une priorité absolue, conscientes des incidences et des répercussions majeures qu’elles ont, les juridictions administratives, garantes de l’Etat de droit, résistent !
Le Conseil de l’Europe a pourtant précisé le sens juridique du sexisme au terme d’une recommandation de 2019 qu’il considère comme une discrimination faite aux femmes. Il insiste sur le concept de « continuum des violences », à savoir que la violence symbolique (image de violence contre les femmes diffusée et banalisée par la culture et la communication) facilite et fait le terreau des agissements sexistes : violences notamment. Ainsi la recommandation précise que : “Notant que le sexisme constitue une entrave à l’émancipation des femmes et des filles, qui sont affectées de manière disproportionnée par les comportements sexistes; et notant également que les stéréotypes et préjugés de genre intrinsèques façonnent les normes, le comportement et les attentes des hommes et des garçons, et sont ainsi à l’origine des agissements sexistes”
En dépit de ces affirmations claires, les juges restent dans le déni, assènent des poncifs archaïques, valident le sexisme d’Etat et les privilèges d’un temps révolu.
L’Etat de droit ne doit pas oublier 50% de l’humanité ! Le sexisme est grave et mortel, il est contraire à la constitution, il est contraire à notre socle de valeurs et de droits !
NOUS CONTINUERONS À LUTTER CONTRE LE SEXISME ET CONTRE LES VIOLENCES MASCULINES
Nous réclamons l’instauration d’une loi anti-sexiste qui permettrait d’empêcher l’affichage dans l’espace public d’images faisant l’apologie des violences faites contre les femmes, et constituant un appel à la haine et au meurtre des femmes… En 2019, 152 femmes sont mortes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint !
Nous continuerons à nous mobiliser. Dans l’affaire de Dannemarie, comme dans celle de Béziers, nous irons au pourvoi en Cassation devant le Conseil d’Etat, pour que le sexisme d’Etat cesse et que le principe d’Égalité entre les femmes et les hommes, consacré dans le marbre de la constitution, ne restent pas un droit théorique.