Rouvrir les maisons closes et légaliser l’achat d’actes sexuels, un projet d’extrême droite antiféministe et raciste
Communiqué de presse : Rouvrir les maisons closes et légaliser l’achat d’actes sexuels, un projet d’extrême droite antiféministe et raciste
Le député RN Jean-Philippe Tanguy annonce une proposition de loi visant à légaliser des maisons closes présentées comme des “coopératives”. Les organisations féministes et syndicales ainsi que les personnalités signataires du présent communiqué alertent : ce projet d’extrême droite cherche à normaliser l’achat d’actes sexuels, à attaquer la loi abolitionniste française et à banaliser l’exploitation sexuelle des femmes les plus précaires. En défendant la légalisation de la prostitution, le RN confirme son antiféminisme profond.
Le RN pilote un groupe d’étude sur la prostitution dont émerge cette proposition. Le STRASS, les Parapluies rouges et les Roses d’Acier ont accepté d’être auditionnés, tandis que les associations féministes, dont Osez le Féminisme, et les associations impliquées au quotidien auprès des victimes, l’Amicale du Nid et le Mouvement du Nid, ont refusé de collaborer avec l’extrême droite. Le RN tente de présenter l’exploitation sexuelle comme un “choix professionnel” alors qu’il s’agit d’une violence structurelle intégrée au continuum des violences faites aux filles et aux femmes.
L’échec du réglementarisme : un système qui enrichit les proxénètes et précarise les femmes
Dans les pays réglementaristes, la demande masculine d’achats d’actes sexuels a explosé. On compte en Allemagne environ dix fois plus de femmes victimes de prostitution qu’en France. En outre, la réglementation a fait exploser la traite, consolidé l’emprise des proxénètes et limité l’accès des victimes à la protection sociale. Aujourd’hui en Espagne et en Allemagne, des élues remettent en question le modèle réglementariste et réclament la pénalisation de l’achat d’actes sexuels.
En Belgique, des organisations engagées pour les droits des femmes et des personnes migrantes ont saisi la Cour constitutionnelle pour demander l’annulation de la loi du 3 mai 2024. Cette loi autorise des personnes morales à employer, sous contrat de travail, des personnes en situation de prostitution, qualifiées de « travailleurs du sexe », sans que cela ne soit considéré comme du proxénétisme. Il s’agit là du système belge que le RN érige en “modèle”. Une légalisation de fait du proxénétisme. Le contrat de travail prévu par la loi repose sur des fictions juridiques, comme la possibilité de « refuser un acte sexuel » ou de rompre le contrat sans préavis, qui sont incompatibles avec la réalité d’emprise, de contrainte et de violence inhérente au système prostitutionnel.
La prostitution n’est pas un métier : c’est une violence sexuelle qui croise sexisme, racisme et inégalités économiques
Les acheteurs d’actes sexuels sont presque exclusivement des hommes. Les personnes prostituées sont, à 94% des femmes, très majoritairement migrantes, précaires, isolées, et massivement victimes de violences sexuelles ou de traite.
Dans ce contexte, la transaction prostitutionnelle ne peut être assimilée à un consentement : elle est l’aboutissement d’une contrainte économique, de violences antérieures et de situations d’emprise. La prostitution expose les femmes à des violences physiques, psychologiques et sexuelles massives, dont les effets sont multiples et durables, avec des taux extrêmement élevés de dissociation, de stress post traumatique, de dépression, ainsi qu’une exposition constante aux viols, aux agressions, aux maladies et aux blessures.
En outre, le RN occulte un phénomène massif : l’exploitation sexuelle des mineur·es. Les rapports institutionnels français montrent qu’environ 15 000 enfants sont aujourd’hui pris dans des réseaux de prostitution qui prospèrent précisément parce que l’achat d’actes sexuels reste socialement banalisé. Rappelons également que les enfants deviennent majeurs, et que les violences ne cessent pas le jour de leurs 18 ans. Légaliser les maisons closes reviendrait à offrir de nouveaux lieux à cette exploitation inacceptable. Aucune politique sérieuse de protection de l’enfance ne peut s’accommoder d’un système qui structure et alimente la demande masculine d’accès au corps des filles et des femmes.
Tenter d’inscrire la prostitution dans le droit du travail relève d’une contradiction fondamentale. Le droit du travail protège les personnes contre le harcèlement sexuel, les violences, la contrainte et la marchandisation du corps. La prostitution contrevient à chacun de ces principes. Le lien de subordination inhérent à un contrat de travail renforce la domination des acheteurs de viols tarifés sur leurs victimes.
Une proposition de loi qui protège les proxénètes
Le RN a par ailleurs déjà déposé la PPL Juvin, alignée sur la loi belge, qui propose de modifier la définition du proxénétisme pour y ajouter la notion de “profit anormal” et exclure ainsi de son champ de nombreux cas où les conjoints, propriétaires ou hôtels tirent profit de la prostitution d’autrui. Un tel changement viderait l’infraction de sa substance. Dans la réalité, l’agresseur proxénète se présente très fréquemment comme un conjoint ou un proche. C’est l’un des ressorts centraux de l’emprise : se faire passer pour un partenaire « bienveillant » permet de recruter, de contrôler et d’exploiter. En affaiblissant la définition du proxénétisme, la proposition du RN créerait ainsi une zone grise idéale pour les réseaux et faciliterait l’expansion d’une industrie fondée sur l’exploitation sexuelle des femmes.
La loi française de 2016 est cohérente et juste, ce sont les moyens qui manquent
La loi abolitionniste de 2016 pénalise les acheteurs, renforce la lutte contre le proxénétisme et propose des parcours de sortie. Cette approche a été validée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme dans l’arrêt M. A. et autres c. France dans lequel elle rappelle que la pénalisation des clients prostitueurs est proportionnée, car elle poursuit des objectifs légitimes et s’inscrit dans un dispositif global.
Au niveau international, les normes sont claires : la prostitution n’est pas une activité professionnelle mais une atteinte à la dignité humaine. La Convention de l’ONU de 1949 rappelle que toute exploitation de la prostitution d’autrui doit être pénalisée et qu’aucun état ne peut organiser un système fondé sur la marchandisation du corps des femmes. La Convention CEDEF de 1979, renforcée par sa Recommandation 38 en 2020, établit que la prostitution et la traite sont intrinsèquement liées, toutes deux nourries par la domination masculine, la pauvreté et l’absence d’alternatives pour les femmes les plus vulnérables. La Rapporteuse spéciale de l’ONU sur les violences contre les femmes souligne elle aussi que les termes de “travail du sexe” invisibilisent les violences et n’ont aucune base juridique : légaliser l’organisation de la prostitution revient à transformer l’état en état proxénète. La résolution dédiée du Parlement européen datant de 2023 qualifie la prostitution de violence contre les femmes et les filles, incompatible avec l’égalité. Elle appelle les États membres à adopter une approche abolitionniste centrée sur la lutte contre le proxénétisme et l’accompagnement des victimes.
Appel à l’action : défendre l’égalité, protéger les filles et les femmes
Nous appelons le gouvernement et les parlementaires à rejeter clairement les propositions de loi du RN contraires à la loi Olivier-Coutelle de 2016, à renforcer les moyens alloués aux parcours de sortie de la prostitution et à intensifier la lutte contre la prostitution des enfants, forme de pédocriminalité.
Nous appelons également les associations, les partis politiques, les élu·es, les institutions et les citoyen·nes à se mobiliser contre l’extrême droite et sa volonté de légaliser l’exploitation sexuelle des femmes. Les êtres humains ne sont pas des marchandises. La France doit rester un pays abolitionniste et protecteur.
SIGNATAIRES :
Organisations :
Osez le Féminisme, Coordination française pour le Lobby Européen des Femmes, Collectif abolition, Collectif national pour les droits des femmes, Amicale du Nid, Femmes Solidaires, Assemblée des Femmes, CAP International, Women Without Violence, Collectif féministe contre le viol, Ensemble contre le sexisme, Réseau féministe “Ruptures”, ADIEF, FDFA, REFH, Africa 93, Chiennes de garde Confédération Générale du Travail (CGT), Fédération Syndicale Unitaire (FSU)
Élues :
Céline Thiebault-Martinez, députée de la 9ème circonscription de Seine-et-Marne
Laurence Rossignol, sénatrice du Val-de-Marne
Eva Sas, députée 8ème circonscription de Paris
Michelle Demessine, sénatrice honoraire, ancienne ministre
Gladys Grelaud, conseillère régionale Bretagne
Cécile Bouton, conseillère départementale d’Ille et vilaine, vice présidente démocratie participative, citoyenneté, relations département/usagers
Catherine QUERIC, conseillère départementale du Morbihan – canton de Lorient
Isabelle Maugeais, conseillère départementale Finistère et conseillère municipale Pont de Buis
Ismaël Dupont, conseiller départemental du Finistère, canton de Morlaix
Magali Gallais, adjointe à la Mairie de Clermont-Ferrand en charge de l’égalité des droits et des luttes contre les discriminations
Hélène Bidard, adjointe à la Maire de Paris en charge de l’égalité femmes-hommes, de la jeunesse et de l’éducation populaire
Sandra Besnier, adjointe au Maire en charge du droit des femmes, Bonneuil-sur-Marne
Mathilde Maillard, adjointe à la ville de Brest
Magali Bessard, adjointe à Bourges déléguée à l’égalité femmes-hommes, à la santé et conseillère régionale, vice-présidente à l’égalité femmes-hommes, aux formations sanitaires et sociales
Nathalie Tessier, conseillère municipale déléguée droits des femmes et contre les violences faites aux femmes à Marseille
Lucie Mizoule conseillère municipale déléguée ESS Clermont Ferrand
Martine DUBREU, adjointe au maire, développement culturel et animation, droits humains, démocratie participative, Armentières
Gaétan Bouvet, conseiller municipal de Noyal Châtillon
Alexis Brulin, conseiller municipal de Saint-Brieuc
Gwénola Le Huec, conseillère municipale de Lanester
Iris Bouchonnet, maire adjointe à la jeunesse, à la vie étudiante et à la politique des temps à la Ville de Rennes
Cécile Marchand, conseillère municipale déléguée à la démocratie participative à Saint-Aubin-du-Cormier, petite cité de caractère
Elsa Lafaye, conseillère municipale à Fougères
David Rétoré, conseiller municipal à Maen Roch, délégué communautaire au sport à Couesnon Marches de Bretagne
Gaëtan Bouvet, conseiller municipal délégué à la vie économique à Noyal-Châtillon-sur-Seiche
Patrick Morre, maire adjoint au cadre de vie, aux relations avec les associations, aux questions agricoles et à la voirie à La Chapelle-Thouarault
Arnaud Stephan, conseiller délégué à la petite enfance à la Ville de Rennes
Eva Sas, députée de la 8ᵉ circonscription de Paris
Laurence Cohen, sénatrice de 2011 à 2023
