Free love, l’histoire d’un beau combat pour l’égalité
[ Dans le cadre des sorties culturelles organisées par le groupe « militantes Paris » d’Osez le féminisme !, nous sommes allées voir le film Free love, réalisé par Peter Sollett. Félidée T-L et Cindy Morvany ont accepté de partager avec nous leur point de vue sur le film. ]
Edité par Claire Bouet
Dans Free Love (Freeheld, en version originale), les deux protagonistes sont deux femmes qui s’aiment… deux femmes normales, propulsées, par les circonstances de la vie, dans une situation qui va les dépasser, et où elles vont devoir se battre à la fois contre le système patriarcal et la maladie de l’une d’entre elle.
L’une est détective, l’autre est mécanicienne. La première cache son orientation sexuelle, la seconde assume son lesbianisme. Laurel Hester, qui officie au sein de la police du New Jersey, mène une carrière brillante, mais solitaire. Puis, elle se décide à « rencontrer du monde », et va jusqu’en Pennsylvanie pour jouer au volleyball au sein d’une équipe lesbo-friendly. C’est là que Stacie Andrée et elle amorcent le début de leur histoire amoureuse.
L’évolution de leur amour suit son cours, avec l’acquisition d’une maison, une vie commune au beau fixe, scellée par un partenariat domestique (équivalent du PACS américain au début des années 2000) et l’adoption d’un toutou… jusqu’à ce que Laurel découvre qu’elle est atteinte d’un cancer. Alors épaulée par sa compagne, elle va batailler pour que sa pension de réversion soit versée à celle-ci, après son décès.
Inspiré d’une histoire vraie, qui a fait l’objet d’un documentaire (Freeheld, de Cynthia Wade, primé aux Oscars en tant que « meilleur documentaire », ainsi qu’à Sundance, et ayant reçu 16 autres prix), le film retrace le parcours des deux partenaires qui, en plus de traverser l’épreuve de la maladie, vont se heurter au système patriarcal et hétéronormé pour faire reconnaître leur union et sa valeur. Elles vont devoir prouver que celle-ci est égale à n’importe quelle autre relation (hétérosexuelle, dans le cadre du mariage) et devenir, sans forcément l’avoir voulu, des porte-parole de la lutte LGBT pour le mariage homosexuel aux USA.
Les conseillers juges du comté ne l’entendent pas de cette oreille et s’opposent avec insistance à la demande du couple. Pour eux, la loi n’autorise pas l’attribution de la pension d’un officier décédé à son conjoint, hors cadre du mariage. La lutte de Laurel et Stacie prend alors de l’ampleur, et les médias soutiennent leur cause. Des militant-e-s rejoignent aussi leur lutte aux côtés du co-officier ayant travaillé vingt trois ans avec Laurel, le détective Wells.
Le combat est âpre et continu et malgré la progression de la maladie et ses ravages, le personnage joué par Julianne Moore, qui l’incarne avec sobriété et dignité, ira jusqu’au bout plaider sa demande, accompagnée par une Ellen Page habitée par son rôle et très émouvante.
Ce film, qui montre bien la détermination du couple mais aussi l’élan de solidarité et l’obstination des différents soutiens qu’elles ont reçus, nous semble rendre justice à leur vécu. Il rend compte du poids des institutions et des conséquences néfastes qu’elles peuvent avoir sur nos vies mais aussi de la crainte du jugement à vivre ouvertement son lesbianisme, des moqueries, voire de la violence des représailles ou encore de la passivité et/ou solidarité de l’entourage. Il montre aussi surtout l’extraordinaire courage dont les deux femmes font preuve face à tout cela, tout en affrontant un mal qui ronge, ravage, et vient gâcher puis voler une vie, tout en étendant la douleur aux proches.
Free love est un film réussi, qui prend aux tripes, et dont on ressort aussi chamboulée qu’admirative, envers ces deux personnages principales. C’est aussi une belle leçon de tolérance qui permet aux spectateurs et spectatrices de questionner leurs propres comportements et leurs propres limites face à l’acceptation et au respect de l’autre et de la « différence », construite par la société.
Le personnage de Laurel, qui n’a de cesse de répéter qu’elle demande « juste » l’égalité, rappelle aussi dans le film qu’il a fallu, en tant que femme, qu’elle se batte deux fois plus qu’un homme pour accéder au poste prestigieux qu’elle méritait. Ce constat est malheureusement toujours d’actualité.
Comme le met également en avant la symbolique du « petit congrès », composé exclusivement d’hommes blancs et qui refusent tout progrès, les politiques évoluent lentement, quand elles ne régressent pas. Cependant, le film montre aussi qu’avec la force de persuasion et l’engagement d’un petit nombre de personnes déterminées, les choses peuvent bouger. C’est le message d’espoir qui ressort du film et de l’histoire de ces deux femmes au destin tragique. Malgré les obstacles et les résistances de toutes parts, en se mobilisant et en agissant, les choses peuvent évoluer.
« You’ve got the power », répètent en cœur les militant-e-s LGBT venu-e-s soutenir le couple. Quand la loi est injuste et discriminatoire, c’est à nous de prendre le relais et d’agir pour la dénoncer. Nous pouvons, chacune et chacun, par de petites et grandes actions, participer à la construction d’une société plus juste, et plus égalitaire.
Félidée T-L et Cindy Morvany, le 24 février 2016.